léonore fandol

textes - extraits

J’ai souvent été deux

J’ai souvent été deux

Celle qui veut et qui ne veut pas

Celle qui tire la ficelle et crie : non, ne fais pas ça !

Qui construit le mur et veut, passe de l’autre côté 

Celle qui peint et qui regarde, qui écrit et ne lit pas qui boit et reste assoiffée, qui cultive le chaud et le froid

[…]




À l’évidence

A l’évidence, 

je te laisse

ballant dans ta pudeur

celle qui me fait de l’ombre

Dis, dans mon ventre

écoute la profondeur du silence

formel et inédit, chic

gravé dans la laine de mes marées

[…]

Avec la solitude 

la paille me fait désir

fourrure incendiaire

voile d’émigrant.




les autres

[...]

Intouchables jaillissants, tombés

du crépuscule boueux,

blafards d’incertitudes indomptées,

“Bonjour je suis»

la poussière des opulents, les restes

de fringales chronométrées, les draps de lits fripés du sommeil sans fatigue, muet.

Intouchables qui ne meurent pas, même exprès,

la détresse acharnée,

cette implacable promiscuité des cris cadenassés,

rides de dignité sur les mains salies de désœuvrement,

sur les paupières lourdes de gaz anesthésiant provisoire, dans le corps partagé en frissons

d’abandon.

intouchables qui savent encore, par quel prodige,

rire.




mai(s)

Je trouvais du charme à l’air vif

c’était brut, douillet

j’étais maigre et fragile.

Que font les fous le dimanche

à 3 heures du matin,

l’après-midi pareil

c’est une mi-temps plus forte que celle des 12 coups

c’est en creux

le froid comme une mauvaise herbe

les pensées en vague se fracassent sur les rochers puissants d’une normalité qui les écrase et les entaille

les brise en écume de cris

les refoule en résistance souveraine et sombre

les pensées en poussière sont domptées

comme tout

comment

tout redevient étal

petits voiliers blancs

soleil plongeant.

[...]




monologue

Je vis, retiré dans mon naufrage. Pourtant les vastes péripéties de ma sensibilité brassent encore ma tête froide. Mes illusions s’accrochent comme des ombres complices. D’apparence fragile, le regard gelé, je ne trouve plus mon destin, ou je le connais trop bien ?

La sympathie de j sied à mon désespoir mais je ne suis pas sûr du dévouement de son cœur impatient, accueillant. Cependant je rougis, j pâlit, je chancelle, j’en oublie la frontière qui nous sépare. Mon propre sort.

A travers mes habitudes j’ouvre les feuilles de la connaissance. La crainte me porte et je me demande si souvent « tant de peine pour rien ? »

Ma pensée s’enfouit encore dans une hostilité employée à bon escient contre l’émotion qui m’empoigne, 

cette usure qui pleure.

[...]




guerres (l’éther)

0. La nuit,

la guerre au pouvoir

est révolutionnaire.

Règne le long cheminement, cause, manière,

terreur des passions.

Ne rien savoir aujourd’hui,

comme disparaître

contre l’oppression.

13. Je me posais la question qui rend vulnérable.

Je songeais également

à une femme belle qui avait tant de mal à séduire :

la mort assise à son piano.

Je la voyais

comme un sourire voilé

qui désarmait leurs défenses.

Comprendre quelque chose, une faiblesse.

[...]




d’accord ?

[...]

On peut déchirer toute idée de colère et rester là, assis,

empêché et morose, sans plus rien d’extraordinaire

ni de drôle en soi,

être un crétin fini, out.

On peut réfléchir au besoin de gagner,

de manigances en luttes,

de procédures en compromissions,

s’en griffer le visage.

[...]

Mais on ne peut pas s’endormir si au même instant

on éprouve la juste sensation

qu’un outrage glacé, une sentence armée

condamnent nos libertés.




© Léonore Fandol - Reproduction interdite, même partielle, sans autorisation de l’auteure.

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